Nutri-Score : quand les consommateurs prennent le pouvoir

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Entre les poids lourds de l’alimentaire et les consommateurs, la confiance n’est plus toujours de mise. Fin mai dernier, le « Financial Times » révélait que plus de la moitié des grands produits de consommation de Nestlé obtenaient une mauvaise note nutritionnelle, selon un système de notation australien semblable au Nutri-Score. Dans une présentation interne diffusée à ses cadres dirigeants et révélée par le quotidien britannique, le groupe suisse reconnaissait que plus de 60 % de ses produits – nutrition infantile, produits pour animaux de compagnie, café et nutrition médicale exclus – ne répondaient pas à la « définition de santé » et que certaines catégories de produits « ne seraient jamais saines », quelle que soit la manière dont elles seraient reformulées. Pour éteindre l’incendie, une porte-parole du groupe a affirmé que Nestlé travaillait « sur un projet à l’échelle d’entreprise » afin de mettre à jour sa stratégie en matière de nutrition et de santé. Chez nous, Intermarché annonçait en début d’année avoir modifié la recette de 900 de ses produits commercialisés en marque de distributeur (MDD), afin d’obtenir une meilleure note au Nutri-Score et sur l’application Yuka, utilisée régulièrement par six millions de consommateurs… que les industriels tentent de rassurer.

Transparence et vigilance

Dans une étude publiée en septembre 2019, Yuka révélait que 92 % de ses utilisateurs reposaient des produits lorsqu’ils étaient notés en rouge sur l’application. Bien conscients du pouvoir de cet outil entre les mains des consommateurs, certains acteurs de l’agroalimentaire ont témoigné de son influence dans leurs prises de décision, à l’image d’Unilever France : « Nous avons formulé de nouveaux produits pour répondre aux besoins et aux attentes des consommateurs qui sont très alignés aux critères d’évaluation de Yuka. »

De plus en plus informé, le client d’aujourd’hui est en mesure de faire des choix éclairés. D’après le 1er Observatoire des comportements engagés, 70 % des Français privilégient des marques de produits et de services engagées, la préoccupation principale des consommateurs étant de trouver des produits écoresponsables plus accessibles et plus nombreux.

L’émergence des marques de consommateurs

Après l’émergence des marques de distributeurs lancées par Carrefour dans les années 70 avec ses « produits libres », c’est désormais aux marques de consommateurs de prendre des parts de marché aux mastodontes de l’agroalimentaire. La première d’entre elles est « C’est qui le patron ?! », lancée par Nicolas Chabanne en 2016 afin de permettre à chacun de pouvoir reprendre en main différemment sa consommation. En pleine crise laitière, la brique de lait a été le premier produit commercialisé avec un cahier des charges établi collectivement par les consommateurs, afin de maîtriser la fabrication et une commercialisation au juste prix : un minimum de 0,39 € par litre de lait est reversé aux producteurs, soit 18 % de plus que le cours moyen du marché. Aujourd’hui, la marque s’est diversifiée en conservant sa démarche initiale, et a aussi fait des émules. Dans une approche similaire, « Juste »  s’est aussi appuyée sur les préoccupations des consommateurs pour se construire. « Nous avons mené une étude qui nous a permis de cerner leurs attentes. Celles-ci sont, dans l’ordre, que le produit soit bon, fabriqué localement et qu’il rémunère bien ses producteurs. La transparence est essentielle et les gens sont prêts à mettre un prix un peu plus élevé s’ils savent où cela va », argumente Patrice Remaud, éleveur de bovins laitiers et cofondateur de la marque.

Prendre le train en marche

Les enseignes de grande distribution jouent aussi le jeu, à l’image d’Intermarché qui a lancé en 2018 « Les éleveurs vous disent merci ! » et est engagé dans une démarche du « mieux produire » pour « mieux manger », qui ambitionne d’améliorer plus de 6 500 produits MDD d’ici 2025. « Le goût, même s’il reste primordial, n’est plus le seul critère que nous prenons en compte. Nous travaillons aussi sur les volets environnementaux, sociétaux et sanitaires de nos produits afin de les rendre plus responsables, autant du côté du contenant que du contenu », détaille Alain Plougastel, adhérent Intermarché en charge du « mieux manger » et des MDD. Pour avancer vers cet objectif, 18 points ont été définis, dont l’origine France des matières premières, l’amélioration des recettes, la diminution des emballages ou encore une meilleure rémunération des éleveurs.

Face à la multiplication de ces différentes initiatives, les « grandes » marques de l’agroalimentaire tentent de prendre le train de l’alimentation responsable en marche, en mettant en avant leurs différentes actions en matière de développement durable comme peuvent le faire Bel (Babybel, Boursin, La Vache qui Rit, etc.) ou Nestlé. Pour autant, cela n’est pas toujours suffisant pour regagner la confiance des consommateurs, estime Sandrine Raffin. « Ils ont besoin qu’on leur apporte des preuves concrètes. Les grands discours ne suffisent pas car il y a trop eu de greenwashing. » La connaissance et le pouvoir vont souvent de pair, et cela, les consommateurs l’ont bien compris.

© Prostock-Studio_GettyImages

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Sourcegourmand.viepratique.fr

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